Hier un baiser, aujourd'hui un combat et demain ? [PV=Raven]

Le temps avait passé, il avait filé presque trop vite et nous voilà trois semaines plus tard. Trois semaines après cette soirée qui avait fait tambouriner mon cœur n'importe comment. En toute honnêteté, totalement, je m'étais ouverte à Raven, je lui avais dit tout ce qu'il y avait à savoir sur moi, sur qui j'étais et d'où je venais. Sur cette Terre dont je lui avais parlée, sur ma ville natale, mon monde et ses lois, ses règles, ce que j'avais fait pour atterrir finalement ici, à Brise-Air. La soirée avait été étrange, partagée entre mes envies et celles que j'avais le sentiment de deviner chez Raven mais finalement je crois avoir eu tort. J'avais pensé avoir lu en elle, avoir aperçu de l’attirance, de l'envie me concernant mais je m'étais trompée. Si j'en suscitais à la sublime amazone, je n'en suscitais pas assez pour la faire aller par-delà ses doutes et inquiétudes à l'idée de finir en couple. Je ne la blâmerai pas d'avoir ses doutes et craintes, je ne la blâmerai jamais de ne pas m'aimer comme je l'aime, avais-je utilisé ce mot ce soir-là ? Je n'en suis plus certaine, je ne sais plus trop, j'ai essayé de faire en sorte de me débarrasser de tous les souvenirs de cette soirée, le positif comme le négatif. C'était plus facile pour moi de pratiquer de cette façon. Si il n'y avait pas eu de positif et pas de négatif alors je pouvais reprendre ma vie et repartir de l'avant. Pourtant je ne me leurrais pas, malgré mes efforts je me souvenais avec précision du baiser échangé. Je me souviens de la douceur de ses lèvres, de l'habileté de sa langue, de la chaleur de son contact. Je n'ai rien oublié, j'essaye de me cacher de ces souvenirs par des oeillères mais c'est un échec cuisant que je me refuse à admettre. Et le souvenir de ce baiser me hante, me donne le goût, l'envie de recommencer alors je fais en sorte de l'éviter mais aujourd'hui je ne pourrai l'éviter.

Voilà quelques temps que j'avais commencé à travailler sur une épée et un bouclier pour elle, je lui avais parlée de ce projet, lui ayant dis que je voudrai lui offrir un cadeau. A ce moment-là mon excuse était la vie que je lui devais et quand elle disait que c'était de trop, je répondais que jamais je ne pourrai lui payer ma dette. Maintenant bien sûr ce cadeau pourrait avoir une autre signification, la vérité est que je voulais son bonheur, même s'il n'était pas avec moi et autant que cela pouvait me gêner que ça ne soit pas avec moi. Cette femme qui saurait lui donner envie d'aller plus loin que ses doutes et peurs, je voulais être cette femme, malgré mes mots, même si je disais le contraire. Si elle en avait besoin, je l'aiderai à s'ouvrir et trouver celle qui fera battre son cœur mais si je pouvais l'être, cela serait tellement mieux encore. Après un soupir et avoir soigneusement rangé l'épée dans son fourreau et le bouclier dans une peau de bête, je la rejoins. Elle aura bientôt un entrainement avec des novices, j'aurai disparu avant que les novices n'arrivent, j'allais simplement lui donner ce que j'avais confectionné avec soin pour elle.

Elle est déjà en train de préparer le matériel pour son entrainement, apparemment aujourd'hui c'est maniement de l'épée vu qu'elle en a sorti un rack. Ce ne sont pas des épées de qualité, elles sont émoussées, usées, personne ne se coupera avec, personne ne s'empalera dessus, c'est le but, ceux sont des épées d'entrainement après tout. Les novices ne sont pas encore là, difficile de les blâmer pour tout dire, il pleut à verse mais l'entrainement aura quand même lieu, après tout une bataille a lieu sous un soleil de plomb ou une pluie diluvienne. J'ai mis une cape avec une capuche pour rejoindre mon amie à qui j'offre un sourire.

« Salut. Je … Je t'amène l'épée et le bouclier dont je t'ai parlée. »

Je lui tends d'abord l'épée rangée dans son fourreau de cuir. Le fourreau est d'une grande simplicité, le manche de l'épée montre un certain travail dans le cuir qui l'entoure. Le pommeau d'une simplicité relative est un parfait contre-poids au reste de l'épée qui est d'une légèreté extrême par les alliages de métaux que j'ai effectué. Equilibrée presque à la perfection, parfaitement adaptée à la taille de sa main, tout a été pensé pour être son épée à elle, jusqu'à la longueur de la lame choisie avec soin pour sa taille. La lame porte des arabesques selon mon inspiration personnel, des motifs arrondis, soignés. Quand au bouclier, lui aussi très léger et entièrement en métal figure en grand son animal préféré. Là aussi les sangles dans le bouclier ont été placées avec un grand soin pour lui être personnel, parfaitement adapté à la taille de son bras et sa main.

« Ne te fie pas à la légèreté du bouclier, il encaissera les chocs les plus violents. Et méfie-toi de l'épée, elle est plus tranchante qu'un katana. »

Quoi qu'elle devait ignorer ce qu'est un katana quand j'y pense bien.

« J'espère que ça te plait. Je ne vais pas te déranger plus longtemps, tes novices sont en train d'arriver. »

Raven devait bien l’avouer, elle était loin d’être parfaite. Elle s’en voulait énormément d’avoir causé du mal à son amie. Mais c’était plus fort qu’elle. Lorsqu’on parle d’amour, elle prend ses jambes à son cou. Pourtant Morgan lui plaisait énormément, mais elle avait tellement peur des flèches de Cupidon que Raven ne souhaitait tout simplement pas se jeter dans une relation amoureuse. Pourtant jusque-là elle n’avait jamais tenté l’expérience. Mais observatrice comme elle était, elle avait vu bien trop de gens se déchirer à cause de l’amour que de trouver le réel bonheur. Alors oui, le calcul était bien vite fait dans sa tête. Mieux fallait éviter de tomber amoureuse. Et jusqu’ici cela lui était pourtant bien réussit. Mais elle détestait devoir blesser quelqu’un à qui elle tient. Et depuis cette fameuse soirée, Raven avait du mal à l’effacer de sa mémoire. Aussi, sentait-elle que malgré tout leur relation avait changé. Morgan tentait de faire comme si rien s’était passé, et de son côté la guerrière tentait de faire de même. Mais c’était impossible. A chaque fois qu’elle la regardait la sensation de ses lèvres lui reviennent en mémoire et elle a l’impression de revivre leur soirée. Peut-etre que le fait de ne pas avoir été jusqu’au bout la hantait l’esprit ? Oui, c’était fort possible, car après tout le désir est bien là. Encore une fois, Raven tente d’enlever toutes ses idées impures de son esprit. Mais c’est justement à ce moment-là que Morgan décide d’apparaitre.

« Salut… »

Et voilà qu’elle ne savait pas quoi dire de plus. Et dire qu’il y a encore quelques semaines les paroles coulaient à flot entre elles. Heureusement pour Raven, Morgan ne tardait pas à lui montrer l’épée et le bouclier. Heureuse de pouvoir focaliser son attention sur autre chose, Raven prit le bouclier dans sa main, et prit quelques positions de défense avant de faire de même avec l’épée.

« C’est un beau travail. »

Oui, étant une des protectrices de l’île, Raven admirait les épées ainsi que tout autre objet pouvait servir à la protection de l’île d’hara. Morgan lui parlait d’un Katana, et c’était encore un de ces mots que Raven ne connaissait pas. Elle sourit doucement, mais n’en dit point un mot. C’était un des traits qu’elle aimait chez son amie. Morgan arrivera toujours à la surprendre, et elle était un peu hors du norme. Elle parlait de choses inconnues et cela la rendait originale dans les yeux de Raven. Et alors que le novices commençaient à arriver au rendez-vous, Raven tourna son regard vers Morgan. Généralement c’était Jezabel qui s’occupait des nouvelles recrues, mais n’étant pas là, c’était Raven qui allait s’occuper aujourd’hui des nouvelles.

« Morgan… j’aurais besoin de quelqu’un pour montrer quelques techniques de défense… est-ce que tu veux bien m’aider ? »

Une tentative idiote de retrouver un semblable de leur amitié avant que Raven finit par tout gacher.

Les choses étaient plus faciles entre elle et moi il y a encore quelques semaines de cela. Je ne tenais pas Raven pour responsable de ce qu'il y avait ou ce qu'il n'y avait plus entre nous. J'avais eu l'idée de cette soirée, de m'ouvrir à elle, de la faire entrer dans mon monde et d'ouvrir totalement mon cœur à l'amazone de mes rêves. Ca avait été une erreur, je le savais maintenant, je n'aurai jamais dû faire ça, je n'aurai jamais dû agir comme je l'ai fait. Si j'ai voulu m'ouvrir c'était dans l'espoir de quelque chose de différent entre elle et moi, dans l'espoir de trouver un bonheur nouveau et inconnu pour moi comme pour elle. J'avais, au fond de moi, cette certitude que mes sentiments n'étaient pas à sens unique mais si je trouvais la folie nécessaire à vouloir les vivre, Raven luttait contre eux et les refusait. Je ne blâmerai jamais mon amie pour ça, c'était son choix et elle avait parfaitement le droit de le faire. Je ne voulais pas essayer de forcer quelque chose qu'elle ne voulait pas vraiment. Elle savait ce qu'il retournait avec mes sentiments, maintenant c'était à elle de choisir, se lancer main dans la main dans un chemin que nous ignorons toutes deux ou parcourir ce même chemin sans jamais prendre nos mains. Je me sentais un peu plus libérée maintenant que mes sentiments étaient exprimés mais aussi frustrée de ne pas pouvoir les vivre. C'était sans doute l'origine de ce froid qui semblait régner entre Raven et moi.

« Merci. J'espérais que ça te plairait. »

Je savais la guerrière parfaitement capable de poser un regard sur une arme et de savoir avant de la toucher si celle-ci était de qualité ou si c'était une arme standardisée à faible coût. Je ne crois pas qu'il se trouvait plus grande guerrière qu'elle sur cette île, peut-être mes yeux amoureux faussaient-ils mon jugement mais si je l'avais déjà vue en difficulté dans des duels contre d'autres amazones, je ne l'avais jamais vue vaincue. Pas par moi en tout cas. J'étais parfois passée près d'une victoire mais elle trouvait toujours un geste, un mouvement pour me surprendre et me surpasser. Pourtant je m'entrainais, dans l'espoir un jour de parvenir à la battre mais je n'était pas dupe, ce jour n'arriverait jamais. Elle était une naturelle, entrainée depuis toujours dans la tradition du combat, elle vivait pour se battre alors que je me battais pour un jour survivre. C'était sa passion comme la mienne était de forger des armes. Cette petite différence était importante. J'ai découvert dans ce monde que les films sont stupides, le jeune scarabée motivé par l'envie de sauver sa belle ne gagnera jamais contre le grand maître entrainé depuis toujours. Le pouvoir du bien, de l'amour n'étaient rien face à un entrainement quotidien. Je m'apprêtai déjà à prendre congés quand Raven me demande un coup de main. Quelques secondes passent et je hoche la tête.

« Oui bien sûr. »

Je sais qu'habituellement cela commence par une démonstration des techniques à vitesse réelle, puis au ralenti pour décomposer le mouvement et enfin généralement par un duel en utilisant ces techniques. Raven étant bien plus qualifiée que moi elle aurait logiquement le rôle de l'agressée dans les démonstrations pour être sûre que les techniques défensives soient parfaitement réalisées. Ensuite dans le duel et bien j'essayerai de ne pas être trop ridicule mais je ne doutais pas une seconde de l'issue. M'approchant du rack d'armes, je m'empare d'une épée. J'y accroche ma cape qui n'aurait fait que me gêner en plus d'empêcher les novices de voir correctement les mouvements de Raven. Sous les arbres au feuillage épais nous sommes un peu protégées de la pluie mais il ne faut que quelques minutes pour que je sois trempée. Depuis notre rendez-vous il y a trois semaines Raven et moi ne nous sommes plus revues, à peine aperçues mais le plus grand changement avait été fait hier. Mes longs cheveux blonds avaient été coupés bien plus courts dans une coupe garçonne, teint d'un violet sombre au moyen de myrtille. Je salue les novices, trouvant place face à Raven, l'écoutant expliquer le programme du jour aux novices et attendant de pouvoir lui être utile. Elle n'a pas encore tourné la tête vers moi depuis que j'avais découvert mes cheveux, je l'avoue j'étais curieuse de voir sa tête. Depuis mon arrivée je les coupais une fois de temps en temps très rarement qui plus est, jamais ils n'avaient été plus courts que mes épaules.